Partant du principe qu’on ne peut maîtriser que ce l’on mesure, le World Ressource Institute (WRI) et le World Business Council for Sustainable Development (WBCSD) ont engagé en 1998 l’initiative GHG Protocol. Son objectif réside dans la définition de principes permettant de mesurer et reporter l’empreinte carbone d’une organisation (et d’une entreprise en particulier).

Cela débouche en 2001 sur la publication du premier Corporate Standard qui organise la comptabilité des GES (Gaz à Effet de Serre) du protocole de Kyoto (CO2, Méthane) en trois périmètres (scopes 1,2,3) mutuellement exclusifs:

Scope 1

Il s’agit des émissions directes de GES qui proviennent de sources détenues par l’entreprise. Elles sont principalement le résultat des activités suivantes :

• Production d’électricité, de chaleur ou de vapeur
• Traitement physique ou chimique ; par exemple, production de ciment, de chaux, d’acide adipique, d’acide nitrique et d’ammoniac
• Transport de matériaux, de produits, de déchets et d’employés sur ses sites; par exemple, utilisation de sources de combustion mobiles tels que camions, trains, navires, avions, autobus et automobiles

Scope 2

Il comprend toutes émissions indirectes associées à la production d’électricité, de chaleur ou de vapeur importée ou achetée.

Scope 3

Souvent dénommé “élargi”, on y trouve toutes les autres émissions indirectes résultant des activités de la compagnie déclarante, mais qui proviennent de sources appartenant à une autre compagnie ou étant sous son contrôle, notamment :

• voyage d’affaires des employés
• transport de produits, de matériel et de déchets
• activités réalisées en sous-traitance, fabrication sous contrat et franchises
• émissions des déchets lorsque celles-ci proviennent de sources, ou se produisent dans des installations, qui sont détenues ou contrôlées par une autre compagnie, par exemple, les émissions de biogaz des décharges
• émissions au long du cycle de vie des produits et services
• déplacements domicile-travail des employés
• production de matériaux importés.

Le schéma ci-dessous permet de visualiser les scopes directs, indirects et élargis :

Crédit : carboncredentials.com

On comprend alors que le calcul du scope 3 n’est pas une mince affaire puisqu’il faut prendre en compte l’ensemble de la chaîne de valeur avec des analyses de cycle de vie des produits et services vendus : extraction des matières première énergétiques et non énergétiques nécessaires à la fabrication, distribution, utilisation, collecte et élimination vers les filières de fin de vie ainsi que toutes les phases de transport.

Selon le type d’entreprises, le poids de chaque scope peut grandement varier. Par exemple, le scope 3, au travers des émissions des voitures vendues, représente 99% de l’empreinte carbone de Renault. En revanche, un producteur d’énergie comme Air Liquide ou Engie aura une grande partie de son empreinte comptée en scope 1.

En favorisant la diffusion de normes communes, la méthodologie GHG Protocol contribue de façon décisive au dialogue entre acteurs politiques, économiques et sociétaux et à lutte nécessaire contre le changement climatique. Mais comme elle traite d’un sujet éminemment complexe, elle doit s’enrichir régulièrement d’améliorations, en particulier pour le calcul du scope 3. D’où la publication en 2011 de The Corporate Value Chain (Scope 3) Standard qui décline en 15 sous-catégories le périmètre des émissions élargies.

Commençons par une définition certes formelle mais qui a le mérite de la rigueur. La Commission d’enrichissement de la langue française a défini en 2019 l’expression « compensation des émissions de gaz à effet de serre » comme l’«ensemble des mesures techniques ou financières permettant de contrebalancer, en partie ou en totalité, les émissions, dans l’atmosphère, de gaz à effet de serre d’origine anthropique qui n’ont pu être évitées. ».

Le premier point essentiel à relever est que la compensation s’applique uniquement aux émissions qui ne peuvent pas être évitées. C’est seulement après avoir calculé son empreinte carbone et entrepris les efforts nécessaires pour réduire celle-ci au maximum que l’on peut compenser le solde irréductible.

Le principe sous-jacent de la compensation carbone est quant à lui assez simple : les impacts d’une tonne de carbone émise quelque part peuvent être neutralisés par la séquestration ou la réduction d’une autre tonne de carbone ailleurs. Autrement dit, la réduction d’une tonne de CO2 émise grâce à un projet d’amélioration de fours de cuisson au Rwanda a le même impact climatique qu’une réduction obtenue par un projet d’énergie propre en France. En revanche, il y a une différence majeure, celle du coût d’implémentation, largement en faveur du projet de fours de cuisson - ce qui confère à ce dernier un meilleur rendement écologique (défini comme la quantité d’émissions évitées pour chaque euro investi).

Dans la pratique, comment ça fonctionne ?

Chaque tonne de GES évitée par un projet de compensation, exprimée en Tonne équivalent CO2 (TeqCO2) est certifiée par la délivrance d’un crédit carbone. Les particuliers, entreprises, collectivités et évènements peuvent ainsi volontairement compenser tout ou une partie des émissions qu’ils n’ont pas pu réduire en achetant ces crédits carbone.

Mais attention, il existe des règles strictes à respecter pour se prévaloir d’une compensation effective.

• l’additionnalité : c’est une évidence mais il vaut mieux la rappeler, le financement apporté par la vente des certificats doit être indispensable à la réalisation du projet ;
• la permanence : de même, les baisses d’émissions doivent obligatoirement être pérennes (au moins 100 ans) ;
• la mesurabilité : une méthodologie validée par un tiers indépendant du développeur de projet doit décrire exhaustivement comment la réduction par rapport au scénario “business as usual” est calculée ;
• la vérifiabilité : un auditeur indépendant vérifie sur le terrain que les émissions sont effectivement réduites.

Le respect de l’ensemble de ces prescriptions est vérifié par des certificateurs au travers de labels. Les deux acteurs majeurs sont Gold Standard, fondé en 2003 par WWF et Verra, organisation à but non lucratif créé en 2005.

Quels types de projets sont éligibles ?

Les projets soumis à la certification sont de nature diverse. Il peut s’agir de développement d’énergies solaires et éoliennes, d’afforestation et de reforestation, de transformation de méthane en énergie propre, d’amélioration d’efficacité énergétique, etc. En l’état actuel, pratiquement toutes les activités humaines génèrent du carbone et sont donc potentiellement des gisements de réduction. Illustrons ceci avec trois exemples:

• la construction de puits profonds dans les zones où l’eau potable manque permet d’éviter de bouillir l’eau pour la purifier…et réduit ainsi la collecte de bois et les émissions associées,
• la livraison de fours améliorés permet de diminuer le bois utilisé par les pratiques traditionnelles de cuisson (très souvent, un foyer ouvert autour de 3 pierres, sachant que plus de 2 milliards de personnes dans le monde utilisent du bois ou du charbon de bois pour cuisiner les aliments),
• en bâchant des décharges à ciel ouvert, on récupère le méthane (GES 30 fois plus puissant que le CO2) que l’on transforme ensuite en électricité propre.

Nous avons travaillé pendant de nombreuses années dans des institutions financières. Jérôme et Marc ont été acteurs au sein de la Société Générale de l’émergence de la finance à impact, avec en particulier la création d’Orbeo, une coentreprise dédiée aux projets de réduction d’émissions de CO2 dans le cadre du protocole de Kyoto. Jérémy a quant à lui activement contribué à la construction de l’acteur digital de référence de l’épargne 2.0 en France, YOMONI.

Nous combinons aujourd’hui nos expertises en créant Judo CARES, le premier one-stop-shop de la compensation carbone dédié aux gérants d’épargne. Son ambition fondatrice est de leur permettre de proposer à tous les épargnants de jouer un rôle, aussi modeste soit-il, dans la lutte contre le changement climatique.

L’urgence climatique s’impose, en effet, comme le principal défi des prochaines années à un point tel que tous les efforts, partout et par tous, doivent être entrepris pour collectivement y faire face.

Nous observons heureusement la prise de conscience dans un certain nombre d’entreprises qu’il faut agir, sans attendre que les états s’accordent sur des mesures fortes. Ces sociétés réduisent dès aujourd’hui, et volontairement, leur empreinte carbone. Elles favorisent l’approvisionnement en énergies renouvelables, mettent en oeuvre des démarches de réduction de leurs émissions et les complètent de plus en plus souvent par des actions destinées à aller encore plus loin en assumant une responsabilité sur le solde irréductible de leurs émissions.

Ceci se fait au travers des projets dits “de compensation”. Le principe est de financer des actions permettant de séquestrer du CO2, comme le reboisement forestier, mais également des projets qui réduisent l’émission de GES (Gaz à Effet de Serre). Cela passe par l’amélioration de l’efficacité énergétique de certains équipements ménagers, une gestion plus efficace des déchets ou encore par la production d’énergie renouvelable à petite échelle. Ainsi, en apportant un financement sans lequel ces projets n’existeraient pas, une entreprise réduit l’impact négatif résiduel de son activité sur le climat.

Comment les gestionnaires et les épargnants peuvent-ils eux aussi agir?

Mais comment un gestionnaire d’épargne peut-il lui aussi apporter son écot à la lutte contre le changement climatique ? S’il s’agit d’un acteur majeur, il peut avoir une influence suffisante sur les entreprises qu’il finance pour peser sur leurs décisions de gestion et imposer réduction et compensation des émissions de GES.

Si ce n’est pas le cas, mais qu’il s’agit d’un investisseur expert sur le sujet, il pourra choisir ses investissements en fonction de la gestion des sujets environnementaux. Un tel comportement pèsera à long terme sur le comportement des entreprises de la même manière que des particuliers influencent les marques par leur choix de consommation.

Mais quid des autres? La difficulté de leur tâche se traduit aujourd’hui en une offre de produits “responsables” à la fois réduite et floue ; c’est particulièrement prégnant sur le thème de l’impact environnemental alors que c’est le coeur des préoccupations des épargnants, comme le montrent les études faites sur le sujet.

C’est là que Judo CARES intervient. Il s’agit du premier one-stop shop de la compensation carbone pour les gérants d’épargne, afin qu’ils puissent offrir une solution simple et claire à tous les épargnants : pour chacun des placements habituels (fonds éligibles au PEA, UC d’assurance-vie, etc.) de leur gamme, ils peuvent désormais proposer une déclinaison avec compensation de l’empreinte carbone.

Comment fonctionne Judo CARES ?

Judo CARES est une solution complètement intégrée qui permet de mesurer automatiquement l’empreinte carbone journalière d’un portefeuille d’investissement en agrégeant quotidiennement les émissions des sociétés investies. Dans un second temps, en architecture ouverte sur le monde des développeurs de projets, Judo CARES offre au gérant une présélection d’actions de compensation ayant le meilleur impact climatique. Et une fois son choix fait, Judo CARES les finance pour son compte. Tout ceci est à la fois transparent, rapide et aisé pour la société de gestion puisque le calcul de l’empreinte carbone du portefeuille est automatisé et que Judo CARES fait l’interface avec les développeurs de projets.

Oui, mais alors pourquoi ce nom Judo CARES?

Car Judo signifie en japonais “la voie de la souplesse”. Et que notre ambition est de proposer des Carbon Reduction Solutions flexibles qui utilisent pour lutter contre le changement climatique l’immense levier de la finance ; levier dont la puissance réside aussi dans la somme des volontés individuelles de ses épargnants.

Le principe fondateur

Il s’agit d’étendre la responsabilité de l’empreinte carbone à la détention d’actifs financiers. Cela se justifie pleinement puisqu’étant ayant investi dans une action ou une obligation, le gérant finance des activités émettrices de GES. Précisons tout de même que la responsabilité est partagée….puisqu’au travers du gérant, c’est l’épargnant lui-même qui détient l’instrument financier!

Comment passer de l’économie réelle à la finance ?

Au risque d’être scolaire, reprenons les règles essentielles de la compensation carbone. Celle-ci ne se justifie que dans une démarche engageante à plusieurs étapes. Il faut d’abord mesurer l’empreinte carbone, puis prendre les mesures permettant de les réduire sur le long-terme et enfin compenser tout de suite le solde actuellement irréductible. Comment transposer ceci à la gestion d’épargne?

La première étape consiste à calculer l’empreinte carbone du portefeuille en croisant les positions journalières du gérant avec les niveaux d’émissions de chaque entreprise investie. Ensuite, il faut prendre des mesures structurantes qui permettent de réduire les GES. Cela peut passer par de l’activisme actionnarial pour les acteurs ayant suffisamment de poids dans le capital ou la dette d’une société. Cela peut aussi se traduire par des politiques d’exclusion des secteurs les plus émetteurs (charbon par exemple) ou des choix d’investissement sur-pondérant les firmes qui font le plus d’effort pour adapter leur modèle à l’économie future décarbonée (approches Best in class). Ce sujet est sensible car l’impact sur la qualité de la gestion de l’épargne est direct. Ces choix réduisant par définition l’univers d’investissement, ils peuvent impliquer des portefeuilles plus concentrés et donc plus volatiles.

Enfin, il faut compenser le solde de l’empreinte carbone des entreprises restantes en portefeuille. Cela se fait au travers de dons qui financent des projets de compensation irréprochables (a minima certifiés par Verra ou Gold Standard) et ayant le plus d’impact dans la lutte contre le changement climatique.

Une contribution nécessaire à la lutte contre le changement climatique

En respectant ces règles, la compensation carbone d’un portefeuille contribue ainsi à réduire dès maintenant nos émissions de GES. Quand on sait que le budget carbone nous restant à dépenser pour limiter la hausse des températures mondiales à 2 degrés d’ici 2100 est de 1000 milliards de tonnes et qu’au rythme actuel nous l’aurons consommé dans 25 ans, on ne peut qu’encourager son essor.